Hans Baldung Grien, Sorcières, 1508
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Les sorcières du temps, elles fument à travers nous, elles fument comme l’axe du temps. Regardez-les comment elles font flotter leurs crinières noires dans le ciel, comment chevauchent-elles les chats cracheurs de feu, comment elles pelotent la matière nocturne, la chair du nuage, ces corps éthériques lourds, ces substances non-maîtrisables, irréversibles, invraisemblables, irrésistibles.
*Elles règnent sur la tempête, sur le volcan, sur les nuages. Elles sont la menace muette de l’atome, elles brisent le noyau comme un accélérateur, un paraphernal nucléaire. Chaque instant dans leur tube est une constellation de temps, un brisement de galaxies. L’œuf de chèvre, le lait noir du chat, le bébé de la sorcière, voici, la crème des galaxies noires caille. Le plat des sorcières fume comme un volcan, fume la mandragore et le crépuscule la lèche avec une langue affamée, et les souris sonnent comme des perles sur les flacons de malice alchimique.
*Les sorcières de Baldung Grien nous visitent nuit et jour, tôt le matin, souvent de manière inattendue mais toujours rythmée. Ce sont des miracles qui respirent la chair et dégagent de la fumée, imbibés de branches de saule rosé et de feuilles d’automne rouillées. Mes sorcières, sorcières indifférentes, beautés maléfiques, troncs de joie sombre, faites un détour ici dans le coin du temps, courbez de plus en plus l’espace ici, resserrez-le. Non, ne soyez pas sensibles, ne vous soumettez pas à l’art du magicien. Tout comme vous, je suis une âme agitée, tout comme vous, chair rayonnante et ténèbres, rien à voir avec l’homme.